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Souvenirs concernant Saint Jean de Changhaï et San Francisco



Vingt cinq ans ont passé depuis le repos de Monseigneur. On a déjà beaucoup écrit sur lui. Quant à moi, je ne me suis encore jamais exprimé dans une publication, considérant que je ne pouvais prétendre le connaître mieux que d'autres. J'entreprends maintenant ceci par obéïssance.

Je crains que ce qui a été ces derniers temps écrit par d'autres ne corresponde pas toujours à cette figure de Monseigneur qui m'est restée de ma propre expérience. De plus, la vénération pour Monseigneur n'a fait que croître, et nombreux sont ceux qui ont entendu parler de ses miracles, mais bien peu ceux qui l'ont connu.

Monseigneur connaissait ma famille depuis Changhaï.Quand mes parents s'établirent à
San Francisco, ma mère resta en correspondance avec Monseigneur et celui-ci me connaissait pratiquement depuis ma naissance. Dès mon enfance, je considérais Monseigneur comme un saint homme. Quand Monseigneur venait d'Europe à San Francisco, à nos moments libres de l'école, ma mère nous emmenait à tous les offices qu'il célébrait.
Dans mon souvenir, Monseigneur était toujours joyeux et souriant, affectueux avec les enfants et faisant toujours grand cas d'eux. Si nombreux que fussent ses jeunes fidèles
de Changhaï, il n'oubliait jamais le jour de notre anniversaire et celui de notre saint patron, il envoyait toujours des cartes de vœux.
A la fin de l'année 1962, Monseigneur fut nommé à
San Francisco et le Seigneur m'a fait la grâce de me placer auprès de lui les trois dernières années et demi de sa vie.

Ce que je m'apprête à écrire ici c'est ce dont j'ai été témoin.

Je laisserai de côté ce qui est connu de tous et j'essaierai de parler de ce que je n'ai pas pu lire chez les autres ou de ce qui à mon avis a été présenté de façon inexacte.

C'est avec reconnaissance que je dédis ces souvenirs à ma chère mère.
Ainsi Seigneur bénis !  
***

La défunte soeur de Monseigneur, Lioubov Borissovna, écrivit une fois à ma mère que Monseigneur était un petit garçon très obéissant et que ses parents n'avaient aucune difficulté pour faire son éducation. Il étudiait très bien. Et il n'y avait que deux sujets qu'il n'aimait pas : la gymnastique et la danse.

Monseigneur restait toujours simple mais on sentait en lui son tact et sa bonne éducation et en toutes choses transparaissait sa noblesse intérieure.
Dans mon enfance j'entendis parler d'un incident arrivé à Monseigneur quand il était dans le corps des cadets de
Poltava. Une fois le régiment passa en rang près d'une église. Micha, tel était le nom de Monseigneur avant le monachisme, ôta la casquette et fit son signe de croix. L'instructeur le remarqua , mais n'osa pas lui faire une observation. Cependant comme dans les rangs il était interdit de faire un geste sans ordre, l'instructeur trouva nécessaire d'en faire le rapport à son supérieur. Celui-ci après moulte réflexion ne savait pas comment il lui fallait agir. Pour finir il envoya un télégramme au Grand Prince Konstantin Konstantinovitch. La réponse se fit attendre. Puis l'on reçut enfin cet avis : "Bien qu'il ait eu tort, il a fortbien agit." On interrogea une fois en ma présence Monseigneur sur ce fait, et Monseigneur le nia.

Le nia-t-il par modestie - je ne saurais le dire. Monseigneur aimait beaucoup l'histoire russe et la connaissait parfaitement.

Lors d'une conversation avec lui, nous parlions des souverains russes et je dis que mes préférés étaient Alexandre Nievsky, Ivan
III et Alexandre III. Monseigneur réfléchit, puis dit qu'à son avis à lui aussi, c'étaient les trois tsars qui personnifiaient le mieux l'idéal du souverain russe.

Quand il était encore à
Belgrade, Monseigneur fut chargé par le Métropolite Antoine d'écrire un livre : "L'origine de la loi de succession en Russie", qui fut édité à Changhaï en 1936. Il commence par le Prince égal-aux- apôtres Vladimir et finit par le Tsar-martyr. On aimerait voir ce livre réédité.

Monseigneur était non seulement un monarchiste convaincu mais considérait nécessaire de soutenir l'autorité du Grand Prince Vladimir Kirillovitch. A tous les offices, ils commémorait la famille impériale, et aux offices de fête, il commémorait le Grand Prince par son nom. Les jours exceptionnels, comme par exemple celui du Triomphe de l'Orthodoxie, il commémorait par leurs noms tous les monarques orthodoxes - de Grèce , de Bulgarie, de Serbie et de Roumanie.

Monseigneur était fondamentalement contre le fait de remplacer dans les offices à l'église la prière pour les "souverains fidèles à leur foi" par les mots "Chrétiens orthodoxes". En particulier dans le tropaire "Seigneur, sauve Ton peuple" il exigeait que l'on chante "La victoire aux souverains fidèles à leur foi...".

Quant à l'Histoire de l'Eglise Russe, Monseigneur avait beaucoup d'estime pour le Patriarche Nikon. Je me souviens qu'une fois, alors que Monseigneur assistait à l'examen de cathéchisme, une petite fille tira la question des réformes de l'Eglise Russe. Elle répondit très bien et, à la fin, Monseigneur lui demanda si le Patriarche Nikon était un grand homme. Elle, selon le point de vue traditionnel de nos manuels, répondit que non. Monseigneur, qui d'habitude écoutait toujours les enfants avec patience, interrompit et dit : "Non, le Patriarche Nikon est le plus grand des Patriarches russes."
Monseigneur estimait aussi beaucoup l'œuvre du Métropolite Pierre Moghila.

En Yougoslavie la vie n'était pas facile pour la famille Maximovitch de même que pour tous les réfugiés et Monseigneur aidait ses parents en vendant des journaux.

Un de ses camarades de classe, contraint de faire le même travail, me racontait qu'il était obligé, au moment de la pause pour le déjeuner, de courir de café en café et que c'était à grand peine qu'il arrivait à vendre tous ses journaux; quant à Micha,  il se tenait simplement debout sur le trottoir et, en quelques minutes, les Serbes achetaient tous ses journaux.

Un des frères du Monastère de Milkovo en Yougoslavie où Monseigneur reçut la tonsure monastique, racontait que Monseigneur bégayait depuis son enfance. A
Belgrade, il devint lecteur et quant il venait à l'Eglise russe de la Trinité, s'étant revêtu de son aube, il allait se mettre discrètement dans un coin du choeur (kliros) et attendait qu'on lui donne quelque chose à lire. Quand Monseigneur reçut la tonsure monastique, ce défaut disparut et ne réapparaissait que lorsque Monseigneur était agité.
Il n'avait pas l'oreille musicale et souffrait d'un défaut de prononciation  mais ceux qui s'y habituaient le comprenaient facilement.

On demanda une fois au Métropolite Antone Krapovitsky : qui lui était plus que tous proche par l'esprit  ? Le vénérable Abba ne nomma que deux personnes : l'archimandrite Ambroise (Kourganov), supérieur du monastère de Milkovo, et le jeune hiéromoine Jean, futur Monseigneur.

Une fois alors que je m'entretenais avec Monseigneur dans sa cellule, mon regard se posa sur le portrait de Monseigneur Antoine qu'il venait de recevoir de France. ( Il avait été peint par un amateur, et Monseigneur me dit qu'il l'aimait beaucoup parce que le Métropolite avait exactement ces yeux et cette expression du visage quant il l'avait vu pour la dernière fois avant son départ pour Changhaï. Ce portrait avait été endommagé par le voyage et Monsei-gneur l'avait donné à restaurer à un peintre. Monseigneur mourut  sans avoir le temps de le récupérer. Où est-il passé ? - je n'en
sais rien.) Nous nous mîmes à parler du Métropolite. Après un instant de silence Monseigneur dit que le 28 juillet 1936 à Changhaï alors qu'il était assis à son bureau, il avait eu soudain comme un coup au coeur.

Il n'y avait attaché aucune importance mais avait regardé sa montre et retenu l'heure. Le jour suivant arrivait un télégramme : à cette heure précise était mort le Métropolite Antoine.

J'avais complètement oublié ce fait et je ne m'en souvins que lors des obsèques de Monseigneur quand le Métropolite Philarète dans son oraison funèbre raconta comment son propre père l'Archevêque Dimitri avait invité le Métropolite Antoine à Harbin et celui-ci lui avait répondu qu'il était déjà trop vieux pour songer à voyager, mais qu'il envoyait à sa place "une parcelle de son coeur " : Monseigneur Jean.

Dans les années 1970, j'eus l'occasion, avec un groupe d'étudiants de la Faculté Théologique de Belgrade, de me rendre à Bitolj (ville du sud de la Yougoslavie, où Monseigneur enseignait à la "Théologie" comme on appelle les séminaires en Serbie). Nous faisions la visite de l'ancienne cathédrale; son Recteur arriva et se mit à nous montrer et nous expliquer les particularités de l'église. Les Serbes, bien sûr, lui demandèrent avec grand intérêt s'il se souvenait d'un des anciens professeurs, le Père Justin (Popovitch).

Le "Prota" (c'est ainsi que les Serbes appellent les archiprêtres) répondit "bien sûr que oui" et, après avoir un peu parlé du père Justin, il mentionna avec enthousiasme le fait que, le plus remarquable de leurs professeurs, c'était "Otats Jovan" et détourna toute la conversation sur Monseigneur.

Le prêtre ne pouvait pas savoir que je faisais partie du groupe et pour sûr, n'avait pas dit cela pour me faire plaisir; de plus cela faisait quarante cinq ans que Monseigneur avait quitté la "Théologie", ce qui prouve à quel point sa mémoire était restée vivante.
Monseigneur me racontait que son ordination de hiéromoine se décida à la hâte et il n'eut pas le temps d'en informer ses parents. Sur ce point, l'Archevêque Gabriel de Tcheriabinsk fit la remarque suivante : "ce n'est pas grave, nous les inviterons à son sacre épiscopal."

Monseigneur Gabriel ne vécut pas assez longtemps pour y assister lui-même, mais c'est justement sa panaghia
(1) que reçut Monseigneur Jean lors de sa consécration. Quant au père de Monseigneur, le Métropolite Antoine commanda de le placer le jour du sacre dans le sanctuaire afin qu'il puisse bien voir l'ordination de son fils, qui fut le dernier évêque consacré par le Métropolite Antoine.

Outre le russe et le serbe, Monseigneur parlait le français et l'allemand. Avec quelle aisance, je ne peux en juger car je ne connais pas moi-même ces langues. Cependant, quand un groupe de Français arriva à
San Francisco pour le sacre de l'évêque Jean (Kovalevsky), Monseigneur s'entretint avec eux sans aucun problème.

En anglais, Monseigneur s'exprimait avec plus de difficultés, mais il comprenait tout et lisait couramment.

Monseigneur savait aussi le grec. Je m'étonnais toujours quand, pendant les matines, il traduisait en impromptu du grec en slavon le prologue et certains canons.

Les jours de fête, Monseigneur disait « Regarde du haut des cieux, ô Dieu...» en slavon, en grec et, à
San Francisco, en anglais, et les jours ordinaires la troisième ecphonèse (2) en différentes langues, qui pouvaient aller du latin jusqu'au chinois. Au chœur, ses prêtres faisaient des paris : en quelle langue allait-il maintenant s'exprimer ? 

  A propos des offices, il faut noter que Monseigneur célébrait la liturgie tous les jours, ou bien à sa résidence à l'Asile de Saint Tikhon de Zadonsk ou bien à la cathédrale.

En ce qui concerne les fêtes paroissiales, il n'admettait pas qu'on les reporte au dimanche, mais célébrait la fête au jour fixé par l'ordo.

Quand Monseigneur célébrait à l'asile, il aimait le faire revêtu d'une chasuble rouge avec un omophore de laine qui ressemblait à un cache-nez ou une écharpe. Et les gens qui ignoraient l'histoire de l'Eglise
(3) demandaient pourquoi Monseigneur officiait en habit sacerdotal et s'il n'avait pas pris froid.

Voici l'emploi du temps de sa journée. Le matin il servait les matines ensuite les heures et la Divine Liturgie. Après l'office, s'il avait servi à la cathédrale, sur le chemin du retour, il passait par quelque hôpital où il rendait visite à tous les malades orthodoxes. Une fois rentré chez lui, il s'occupait des affaires du diocèse. Outre les affaires courantes, il recevait une masse de lettres personnelles auxquelles il répondait lui-même (en trois ans et demi à
San Francisco il reçut plus de dix milles lettres).

Monseigneur ne permettait pas d'humecter de salive les enveloppes pour les coller et, pour les ouvrir, il fallait utiliser un coupe papier. Monseigneur faisait toujours en souriant la remarque qu'il n'y avait que Staline pour déchirer les enveloppes.

A trois heures de l'après-midi, Monseigneur lisait la neuvième heure. Et les jours ou cela était de règle, les heures intermédiaires. S'il arrivait qu'il fût en route, nous lisions  None dans la voiture.

Avant les Vêpres, Monseigneur buvait un bol de café ou, les jours de grande chaleur, du thé, avec une légère collation. Puis à l'asile ou à la cathédrale, il assistait aux Vêpres et aux Complies, où il arrivait que l'on lise jusqu'à trois canons.

Si Monseigneur avait assisté à l'office à la cathédrale, sur le chemin du retour, il passait à nouveau par quelque hôpital. Monseigneur dînait un peu avant minuit et après, se retirait chez lui pour se reposer. Pour manger il utilisait seulement une assiette et une cuillère à soupe, en  tenant toujours son chapelet, sans cesse en prières. Parfois, Monseigneur se servait de baguettes chinoises.
Depuis le jour de sa tonsure monastique, Monseigneur dormait assis. Suite à cette pratique, ses pieds avaient enflé et le fait de porter des chaussures le faisait souffrir, c'est pourquoi il portait des sandales; Chez lui, dans sa cellule, ou quand il célébrait dans l'église de Saint
Tikhon de Zadonsk, il était souvent pieds nus, non pas par “folie en Christ” mais parce que cela soulageait ses pieds.

L'higoumène Théodora, défunte Mère Supérieure du Couvent de Lesna en
France, racontait qu'une fois, alors que Monseigneur se trouvait au monastère, sa jambe s'était mise à lui faire très mal et on avait appelé un médecin. Le docteur avait prescrit du repos au lit.

Monseigneur avait remercié pour la sollicitude qu'on lui témoignait, mais avait refusé de se mettre au lit. Il n'y avait rien à faire pour l'en persuader.

Alors - racontait Matouchka - je ne
sais pas moi-même comment j'ai osé, mais je lui ai carrément dit : « Monseigneur, en tant qu'higoumène de ce monastère, par le pouvoir qui m'a été donné par Dieu, je vous ordonne de vous coucher. »

Monseigneur avait regardé l'higoumène avec étonnement et était parti se coucher.

Le lendemain matin il était déjà à l'église aux Matines et sa "cure" était terminée.

Une fois, dans une conversation Monseigneur mentionna le fait qu'en Grèce, si un évêque meurt dans l'exercice de son ministère, on l'enterre assis. Je demandai à Monseigneur s'il voulait qu'on l'asseye pour ses propres obsèques. Monseigneur sourit avec douceur et fit signe que oui. Mgr. Nectaire (son évêque vicaire) le sut et par la suite fut tourmenté de s'être laissé persuadé de ne pas le faire, comme il le déclara à plusieurs reprises.
Les dimanches et les jours de fête, Monseigneur laissait de côté toute affaire et les passait à visiter les malades. En ces jours il s'abstenait même de rédiger des Décrets, sauf dans le cas où c'était pour accorder la bénédiction divine.

Un jour les membres d'une commission de révision ecclésiale vinrent chez Monseigneur pour qu'il confirme leur protocole. Après lui avoir remis les papiers, un des membres fit remarquer en passant qu'ils y avaient travaillé toute la soirée.

Monseigneur, après lecture du rapport, redemanda : « Vous dites que vous avez travaillé toute la soirée ? » Suivit une réponse affirmative. Alors Monseigneur fit cette observation : « Ainsi vous vous êtes réunis pour cela, au lieu d'assister aux Vigiles dominicales ? » Et il refusa de signer le document. Ils furent obligés de s'assembler à nouveau et de mettre une autre date.

Beaucoup sont d'avis que Monseigneur agissait en fol-en-Christ. Je ne suis absolument pas d'accord. Monseigneur n'était pas de ce monde, ce qui n'est pas la même chose que d'être fol-en-Christ.
Une fois, alors que Monseigneur sortait du sanctuaire après la liturgie, quelqu'un l'aborda au sujet d'une question pratique et Monseigneur, désemparé, répondit vaguement. Quand cet homme se fut éloigné, Monseigneur se tourna vers moi et dit que, tout de suite après la liturgie, il lui était difficile de se concentrer sur quelque chose d'autre; Et vraiment, qui a vu Monseigneur célébrer sait qu'il se plongeait entièrement dans l'office divin.

Dans le livre de la moniale Thaïs, Le monachisme russe orthodoxe féminin du XVIII ème au XXème siècle  (
4), on lit à la page 11 : “Puis sont à remarquer les folles-en-Christ de Diveevo. Cet exploit spirituel est extrèmement rare et pénible. Voici en quoi il consiste : des ascètes, dans la pleine possesssion de leurs facultés intellectuelles et morales, et qui ont atteint un haut degré de perfection spirituelle, au point d'avoir des révélations de l'au-delà, de se trouver en contact avec les anges et de mener une lutte ouverte contre les démons - ces grands ascètes, pour cacher leurs dons remarquables - la clairvoyance, la faculté d'accomplir des miracles, l'amour de Dieu et du prochain - si cela est la volonté Divine, ce qui n'arrive qu'extrèmement rarement, simulent la folie. Il parlent toujours en paraboles et d'une manière détournée. D'autre part, s'ils font semblant d'avoir perdu l'esprit, c'est aussi pour s'attirer des moqueries, des injures et des offenses afin de se perfec-tionner dans l'humilité et de triompher ainsi plus totalement du diable.” 

  Selon ce qui vient d'être dit, Monseigneur ne pouvait pas agir en fol-en-Christ, parce qu'il était un Evêque de Dieu et n'aurait jamais permis que cette haute dignité soit exposée aux moqueries.

Au contraire, Monseigneur avait le plus grand respect pour la dignité dont il était investi. Lors de visites officielles ou quand il se rendait quelque part, il portait toujours sa panaghia et son klobouk. Dans la rue, il marchait toujours avec son bâton épiscopal.
Je me souviens qu'une fois, le premier jour de la Nativité, nous visitions des malades dans un hôpital de la ville. Monseigneur était fatigué et sa jambe le gênait tout particulièrement. Nous traversions de longs corridors. Tout à coup, Monseigneur s'arrêta, enleva sa sandale, la prit dans sa main droite et reprit sa
marche. Les personnes qui nous rencontraient, à sa vue, souriaient. Je lui fis alors la remarque : « Monseigneur, vous faites sourire les gens ». Monseigneur s'arrêta et remit sa sandale.
Bien que Monseigneur fût un peu gauche dans ses mouvements, il essayait toujours d'être exact et soigneux.

Au chœur, il exigeait toujours que les livres liturgiques soient en ordre, à leur place et il fallait soigneusement replier le ruban signet à l'intérieur du livre.

Il repliait toujours avec soin ses vêtements liturgiques et exigeait la même chose des autres. Si un acolyte venait prendre sa bénédiction pour revêtir son aube et que celle-ci était mal pliée, Monseigneur ne lui donnait pas sa bénédiction.

Durant la période pascale, Monseigneur aimait porter une soutane blanche et des soutanelles de couleur avec des ceintures brodées.

A
San Francisco, d'après mon souvenir, il y avait alors dix-sept  hôpitaux. Monseigneur promulgua un décret selon lequel tous les hôpitaux étaient répartis entre les prêtres de la ville. Ceux-ci avaient le devoir de visiter leur hôpital une fois par semaine et, une fois par mois, de remettre à la chancellerie du diocèse la liste des malades visités.Quant à Monseigneur, dans le courant du mois il visitait tous les hôpitaux, et ceux où les malades russes étaient plus nombreux, ils les visitait plusieurs fois par mois.
Une fois, je parcourais avec Monseigneur les couloirs vides d'un hôpital et Monseigneur fit remarquer qu'en
France les hôpitaux, les jours de fête et les dimanches sont, à la différence de ceux d'Amérique, pleins de visiteurs.

Monseigneur à bien des reprises, à Noël comme Pâque, du haut de l'ambon,  exhortait à ne pas oublier les malades en ces grands jours de fête.
A l'avance de ces fêtes, l'Association des paroissiennes préparait des paquets de friandises et Monseigneur laissait à chacun de ceux qu'il visitait une boîte-cadeau.

A propos de fêtes, Monseigneur corrigeait toujours ceux qui lui souhaitaient "bonne fête" et disait : « Pas "bonne fête", mais "Bon Noël du Christ" ».
Quand il s'établit à
San Francisco, Monseigneur organisa des cours de théologie pour lesquels, outre lui-même, enseignaient des prêtres. Monseigneur contrôlait lui-même le déroulement des études et n'autorisait de manquer une leçon que si, ce soir-là, se célébraient des Vigiles.

De même en ce qui concerne l'école. Monseigneur était aussi rigoureux pour l'enseignement spirituel qu'il l'était pour les offices divins : il laissait partir à leurs cours les prêtres-cathéchistes qui chantaient au chœur, même si l'office n'était pas encore terminé.
Monseigneur essayait de faire tous les jours une visite au lycée paroissial. Il se faisait un devoir d'assister à tous les examens de cathéchisme, et pas seulement au lycée, mais aussi dans les autres écoles. Il connaissait le calendrier et le synaxaire (la vie des saints) et demandait toujours aux examens en l'honneur de quel saint était nommé l'élève, quand était son jour de fête et la vie du saint. Il se trouvait des élèves avec des noms comme, par exemple,
Capitoline, et Monseigneur connaissait la vie et le jour de fête même de saints au nom si rare.
Sachant que les enfants le regardaient, Monseigneur faisait son signe de croix avec grande attention et exactitude, en prenant soin que sa main touche chacune de ses épaules.

Monseigneur comprenait les jeunes, aimait plaisanter, s'intéressait toujours à leurs occupations; plusieurs fois, il avait même organisé à ses frais des soirées à l'asile pour que la jeunesse russe ait la possibilité de se réunir.

Je me souviens qu'une fois, après l'office, Monseigneur nous a demandé, à nous les acolytes, ce que nous nous apprêtions à faire. Nous avons répondu que nous voulions aller au cinéma voir un film. Monseigneur demanda lequel; et quand il apprit que c'était un film sérieux, historique, si j'ai bonne mémoire, il donna à chacun de nous l'argent pour le ticket. Monseigneur se rendait compte que la jeunesse devait avoir des distractions, mais il était catégoriquement contre le foot-ball européen.
Particulièrement souvent dans ses entretiens avec les jeunes, Monseigneur soulignait la nécessité d'être sincère et de toujours dire la vérité, ajoutant: celui qui ment se mettra à voler.

Je me souviens qu'un jour Monseigneur avait convoqué chez lui un prêtre. celui-ci, par téléphone, lui fit savoir qu'il était souffrant et ne pouvait venir. Dans l'heure qui suivit, il s'avéra qu'il se portait parfaitement bien et qu'on l'avait vu se promener. Monseigneur après cela répéta pendant longtemps :  « Je n'aurais jamais pensé qu'un prêtre puisse mentir. »

Monseigneur était un évêque qui vivait de la vie et des intérêts de l'Eglise Universelle toute entière. Je me souviens que le 5 juillet 1963, nous lisions la neuvième heure. Je venais de lire le tropaire de Saint Athanase l'Athonite et Monseigneur m'interrompit pour dire : « C'est aujourd'hui une grande fête au Mont Athos. »

Je demandai de quoi il s'agissait. Monseigneur répondit que l'on fêtait là-bas le millénaire du Mont Athos. Ce n'était pas une remarque oiseuse. Il était visible que Monseigneur, en son âme et son esprit, se trouvait au Mont Athos.

Monseigneur suivait toujours attentivement ce qui se passait dans les autres Eglises locales et respectait les traditions des autres, bien que lui-même observât en tout les coutumes russes;

Le Vendredi Saint, après l'office de l'Ensevelissement (l'exposition de l'Epitaphios), Monseigneur faisait le tour de toutes les églises orthodoxes de San Francisco, qu'elles soient grecques, syriennes ou autres, pour y vénérer le saint Epitaphios.

Les premiers mois, à
San Francisco, Monseigneur était seulement l'administrateur du diocèse, tout en restant officiellement Archevêque d'Europe Occidentale. Tant que Monseigneur ne fut pas officiellement désigné pour occuper la chaire d'Amérique Occidentale, il garda sa montre à l'heure européenne.

Les gens qui ne comprenaient pas Monseigneur trouvaient cela drôle. Mais, chez Monseigneur, tout avait un sens; tout en vivant à
San Francisco, il continuait de veiller sur son troupeau d'Europe Occidentale.

Je me souviens que le Samedi Saint de l'année 1963, après la liturgie, nous dévêtions Monseigneur de ses habits liturgiques dans le sanctuaire. Il était trois heures de l'après-midi selon l'heure locale. Monseigneur regarda sa montre, fit le signe de croix et dit : « A Paris, les Matines viennent de commencer. »

Monseigneur répétait souvent avec un sourire que le soleil ne se soumettait pas aux lois américaines; c'est pourquoi, l'été, il n'avançait pas sa montre d'une heure et sa vie s'organisait en conséquence : en été nous lisions None à quatre heures de l'après-midi et il dînait à minuit et demi.

Monseigneur s'opposait catégoriquement au fait d'installer un sapin pour le Noël hétérodoxe (occidental). Il disait souvent dans ses sermons que le sapin n'avait pas, par lui-même, de signification spirituelle, mais que l'on ne devait pas, puisqu'il était associé à la fête de la Nativité, le décorer avant ce jour.

Monseigneur essayait toujours de voir quelque chose de bon chez les autres.

Quand déjà j'habitais à New-York et travaillais au Synode, je tombai sur des documents liés avec "l'affaire de San Francisco", où des gens eux-mêmes mal disposés à l'égard de Monseigneur, avouaient qu'il parlait de ses ennemis avec calme et objectivité.
Je me souviens encore à présent très clairement comment, par deux fois, à
San Francisco, je me rendis avec Monseigneur au bal. La première fois, c'était après les Vigiles, au cours desquelles avait eu lieu la Glorification de Saint Jean de Cronstadt. A la cathédrale il y avait bien des fidèles, mais pas autant que l'on aurait pu attendre en un tel jour. Après les Vigiles, Monseigneur faisait d'habitude une visite à l'hôpital. Mais là, ayant pris place dans la voiture, à la question du chauffeur  « où ? », Monseigneur répondit: « Au Centre Russe, au bal ».

Arrivés là-bas, nous sommes montés à la salle principale et Monseigneur en a fait le tour en silence. Il fallait voir comme les gens d'un âge déjà avancé, les personnalités publiques, se cachaient littéralement sous la table. Une femme, à la vue de Monseigneur, s'écria avec une joie pleine d'enthousiasme : « Monseigneur est arrivé ! Monseigneur est arrivé ! Il faut offrir du thé à Monseigneur ! »

Monseigneur les toisait tous d'un air terrible, mais je voyais qu'en même temps il n'y avait en lui aucune colère contre quiconque personnellement.
Nous sommes également partis sans prononcer une seule parole.

La seconde fois, présent au bal, Monseigneur réclama un microphone et adressa un discours à l'assistance. Je savais à quel point Monseigneur était contrarié de tout cela, mais il parla calmement.
Le lendemain matin, il fut communiqué au clergé que tous ceux qui s'étaient rendus la veille au bal ne pourraient participer à l'office, même comme servants ou chanteurs.

En ce qui concerne le respect de Monseigneur pour la discipline ecclésiale, je citerai le récit suivant.
L'évêque d'un diocèse décéda. Un prêtre de village prit part au service funèbre. De retour à sa paroisse, il continua de commémorer le défunt évêque aux moments appropriés, comme vivant. Quand les paroissiens lui demandèrent pourquoi il agissait ainsi, le prêtre répondit qu'il n'avait pas encore reçu de décret du Consistoire. Monseigneur accompagnait ce récit de la remarque que, bien sûr, c'était la pousser à l'extrème, mais qu'il approu-vait une telle rigueur dans la discipline.

Quant aux exploits ascétiques de Monseigneur, je citerai cet exemple.

Un jour, l'Evêque Nectaire conduisait Monseigneur quelque part. Nous n'étions que trois dans la voiture. On entendit une sirène et Monseigneur Nectaire, comme il est de règle, s'arrêta. Nous vîmes passer à toute vitesse des voitures de pompiers ou des secours d'urgence et Monseigneur Nectaire se souvint d'un jour où il accompagnait Monseigneur Tikhon et avait dû de même s'arrêter pour laisser passer les pompiers. Monseigneur Tikhon s'était tourné vers celui qui était encore alors le Père Nectaire et lui avait demandé ce que cela lui rappelait. Lui avait répondu que cela lui rappelait l'alerte en Allemagne, les bombardements, et Monseigneur Tikhon avait dit que non, pour lui, ce n'était pas ça, mais qu'ainsi criaient les esprits mauvais.

Et Monseigneur Nectaire nous dit alors : « Je ne
sais pas comment crient les esprits mauvais, je n'ai jamais eu l'occasion de les entendre.»
Monseigneur Jean écouta en silence le récit de Monseigneur Nectaire, puis dit doucement: « Dieu vous préserve d'entendre comment crient les démons.»

Par la suite, nous nous sommes dits, Monseigneur Nectaire et moi, que les paroles de Monseigneur nous avaient laissé à tous deux l'impression qu'il les avait, lui, entendus.

Dans sa vie privée Monseigneur était tout à fait modeste et simple, mais dans l'enceinte ecclésiale, il était un Prince de l'Eglise.

A tous les offices, excepté la liturgie, Monseigneur se tenait toujours au seuil du sanctuaire, à la vue de tous.

Il veillait toujours à ce qu'on fasse correctement et sans omission les lectures des épîtres et évangiles du jour. Il nous apprit qu'on ne pouvait reporter les lectures du jour que lors des Douze Grandes Fêtes, de la Naissance de St Jean Baptiste, de la Fête des Apôtres Pierre et Paul et de la Fête paroissiale.
Monseigneur exigeait toujours que le Crédo et la Prière Dominicale (le Notre Père ) soient chantés par l'église toute entière. Pour cela, tous les diacres et les acolytes se rassemblaient au milieu de l'église et le diacre le plus ancien, face au sanctuaire, dirigeait le chant.

Monseigneur ne permettait pas aux femmes d'embrasser ni de vénérer les icônes ou la croix avec des lèvres fardées.

Il distribuait lui-même l'antidore seulement à ceux qui étaient à jeun, et veillait à ce qu'on la reçoive dans la main droite.

Monseigneur réprouvait le fait de déplacer sur un chandelier des cierges mis sur un autre, faisant remarquer que c'était un don à Dieu et qu'ils devaient brûler là où on les avait mis. Une fois, dans une église, lors du Polyéléios, on n'avait pas apporté à temps de cierge au diacre, qui prit alors un cierge sur un chandelier. Monseigneur interrompant l'encensement, exigea qu'il remette le cierge à sa place et attende qu'on lui apporte un cierge.

On ne pouvait enlever les cierges des chandeliers que quand ils finissaient de brûler.

Monseigneur veillait toujours sévèrement à ce que l'Antiminsion, les Vases liturgiques, l'Autel et la Prothèse soient conservés dans la propreté requise. Il me souvient d'un office que célébrait Monseigneur un jour simple dans une paroisse. Monseigneur déplia l'Antiminsion, hôcha la tête et se mit à recueillir les parcelles avec la Spongia
(5) Le Père Recteur, se tournant vers ceux qui se tenaient dans le sanctuaire, demanda avec inquiétude : « Qu'a-t-il bien pu trouver ? J'avais spécialement tout nettoyé hier. »

Monseigneur, quand on lui rapporta plus tard cette question, déclara : « J'aimerais bien savoir ce qu'il a fait de ces parcelles, vu qu'il ne servait pas la veille. »
La Semaine Pascale, le
Samedi Radieux, il ne faisait pas fermer les Portes Royales après la liturgie. Avant les Vigiles, on chantait None à la façon pascale. On ne fermait les Portes Royales qu'aux stichères du Lucernaire, aux paroles “les portes étant closes”.
A la clôture du temps pascal, les Vêpres et les Matines étaient célébrées comme durant la Semaine Pascale (Radieuse). On chantait les Heures, y compris None, juste avant les Vigiles (de  l'Ascension); c'est ainsi que s'achevait la clôture de Pâque.

A la liturgie de l'Ascension, Monseigneur faisait lui-même l'ecphonèse "Maintenant et toujours et aux siècles des siècles" tandis qu'à ce moment-là les prêtres enlevaient l'Epitaphios de l'Autel et le plaçaient sur la cathèdre
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Aux paroles "Allons en paix", Monseigneur bénissait les fidèles.

Aux Vigiles de l'Entrée au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu, avant le Polyéleios, Monseigneur m'envoyait inviter toutes les petites filles de trois-quatre ans à se tenir avec des cierges devant la marche du seuil du sanctuaire. Au début du polyéleios, Monseigneur sortait du sanctuaire avec l'icône de la fête et les petites filles l'accompagnaient jusqu'au lutrin, restant  de chaque côté jusqu'au moment de la vénération de l'icône.

Malheureusement, cet usage n'est pas resté.
A la liturgie, au moment du Credo, quand selon l'Ordo, tous les officiants doivent se dire l'un à l'autre : « Le Christ est parmi nous », Monseigneur enseignait que c'est le plus jeune qui doit saluer ainsi son aîné, à quoi ce dernier doit répondre : « Il est et sera »; et pendant la période pascale, le plus jeune salue par les paroles de « Christ est ressuscité », l'aîné répond : « En vérité il est ressuscité ».

Pendant le Canon eucharistique, au moment de la bénédiction des Dons, tous les concélébrants devaient s'approcher de l'Autel.

Ici, il est à propos de noter que, pour entrer dans la cellule de Monseigneur, on devait réciter la prière appropriée, à laquelle il répondait «Amen». Pendant la période
de Pâque, il fallait réciter « Christ est ressuscité des morts, par la mort Il a vaincu la mort ...», et Monseigneur répondait de sa cellule : «... à ceux qui sont dans les tombeaux Il a donné la vie.» et, après cela, l'on pouvait entrer.

Dans le sanctuaire, Monseigneur n'admettait aucune conversation et le cas échéant punissait sévèrement. Les sous-diacres devaient se tenir constam-ment à ses côtés. Le porteur-du-livre devait suivre l'office et tourner lui-même les pages.

Si un acolyte faisait une erreur, Monseigneur ne la lui faisait remarquer qu' après l'office et, avec amour, il lui tapotait gentiment le front avec son bâton épiscopal, en ajoutant : « Le bâton épiscopal s'en va lui-même heurter le tête dure. » 

  En ce qui concerne ce bâton, Monseigneur ne permettait jamais qu'on l'apporte dans le sanctuaire et disait à nous, les acolytes, que les Anges se trouvaient dans le sanctuaire et qu'un évêque ne pouvait être leur pasteur.

Monseigneur était sévère avec nous, mais aussi plein de sollicitude. Il ne prenait jamais place à un repas de fête s'il n'y avait pas une table prévue pour les acolytes. Une fois, en 1963, pour le jour du Saint patron de Monseigneur, avaient célébré six évêques. l'Organisation des paroissiennes avait fait de son mieux pour préparer aux évêques une somptueuse table. Après la prière, Monseigneur s'aperçut qu'il n'y avait pas de place pour les acolytes. Il m'appela, me donna les clefs des appartements épiscopaux et, tout ce qu'il y avait de meilleur sur la table épiscopale, c'est à nous qu'il le destina. Après cet incident, dans toutes les paroisses, il y eut toujours une place prévue pour les acolytes.

Monseigneur ne permettait pas aux acolytes de porter une cravate pendant l'office. Il faisait remarquer que si un prêtre, en cas de force majeure, pouvait utiliser même un fil en guise d'étole, un acolyte par contre ne devait pas porter de cravate durant l'office.

J'ai plus d'une fois observé chez certains prêtres des particularités étranges qu'ils justifiaient en prétendant que Monseigneur Jean agissait de même. Le zèle est une chose louable, mais pourquoi justifier ses propres inventions en se référant à Monseigneur ?
Il m'est arrivé également de lire que Monseigneur, quand il prenait l'avion, donnait sa bénédiction au pilote et autres choses semblables. J'accompagnais presque chaque fois Monseigneur quand il prenait l'avion de
San Francisco et je volais avec lui, et je n'ai jamais rien vu de pareil. Monseigneur s'asseyait simplement à sa place, bien sûr qu'en lui-même il priait mais, extérieurement, il n'attirait en rien l'attention.

On entend beaucoup parler en particulier des soi-disantes prédictions de Monseigneur sur la fin du monde. On raconte le plus souvent comment, en 1962, en entrant dans l'église, il aurait trébuché, serait tombé et aurait dit en se relevant : « l'antéchrist est né. » Et beaucoup de choses de ce genre...
Bien sûr, je ne me trouvais pas aux côtés de Monseigneur vingt-quatre heures par jour et je ne peux nier catégoriquement ce fait, mais d'abord, d'après mon expérience, cela ne ressemble pas à Monseigneur; en second lieu, Monseigneur n'arriva à San Francisco qu'à la fin de 1962 et troisième-ment on posa souvent en ma présence à Monseigneur des questions sur l'antéchrist et jamais il n'affirma qu'il était déjà né.

Monseigneur parlait beaucoup de la Russie, mais il y aurait là matière à un article à part. Je me contenterai ici de rapporter ce qu'il disait de la renaissance de la Russie : « Si le peuple russe fait pénitence, Dieu est en mesure de la sauver. »

Il m'est arrivé autrefois d'entendre dire que Monseigneur aurait soi-disant voulu provoquer un schisme dans l'Eglise Hors-Frontières et même, selon telle version, en devenir lui-même le Premier Hiérarque ou, selon telle autre, se soumettre au Patriarche Serbe. Je n'en aurais pas fais mention ici si je ne l'avais pas entendu dire de nouveau il y a quelques mois. C'est une pure calomnie.

Le 16 juin 1966, Monseigneur célébra la liturgie à l'Asile, après quoi il partit avec Monseigneur Nectaire pour
Seattle, avec l'icône miraculeuse de Notre Dame de Koursk. J'avais assisté comme acolyte Monseigneur et je devais partir avec lui mais, à la dernière minute, j'avais décidé de rester. Ma mère m'incitait à partir, mais je m'étais entêté. Trois jours plus tard, à Seattle, Monseigneur s'est éteint.

Maman m'avait dit : « Tu te souviendras toute ta vie de ta maman. »

Comme elle avait raison ! Mais cela veut dire que je n'étais pas digne.

Un jour avant le départ, Monseigneur avait en ma présence appelé la rédaction du journal La Vie Russe et avait par téléphone annoncé que la veille de la Nativité de Saint Jean le Précurseur et le jour même de cette fête, il y aurait un office pontifical solennel et majestueux, et Monseigneur avait particulièrement souligné : solennel et majestueux.
Monseigneur s'éteignit le 19 juin. L'annonce qu'il avait faite ne fut pas publiée, mais ceux qui ont assisté à ses obsèques le 24 juin à San Francisco, le jour de la fête de Saint Jean le Précurseur, peuvent eux-mêmes témoigner que l'office fut réellement solennel et majestueux. Ce ne fut pas un jour d'affliction, ce fut le jour de la solennité de Monseigneur.

Je prie Dieu, par les prières de Monseigneur, d'accomplir ne serait-ce qu'une parcelle de ce que j'ai appris de lui.
Amen.

4 juin 1991
Pour le 25ème anniversaire du repos de l'Archevêque Jean de
San Francisco d'éternelle mémoire.
Mémoire de St Mitrophane, Patriarche de Constantinople
(jour anniversaire de Monseigneur Jean). Monastère de la Sainte Trinité. Jordanville, New-York.
Hiéromoine Pierre (Loukianoff) Notes:
1) panaghia : médaillon, représentant la Très Sainte Mère de Dieu, que porte les évêques.
2) ecphonèse : invocation, prononcée par l'évêque ou le prêtre, qui conclut toute ecténie.
3) le Père
Pierre fait allusion ici à l'ancien habit liturgique épiscopal, tel qu'il figure d'ailleurs traditionnellement sur les icônes des Saints Pontifes.
4) Un livre édité par le monastère de la Sainte Trinité, Jordanville, en 1985.
5) Spongia : l'éponge spécialement utilisée pour l'antiminsion et l'autel.
6) cathèdre : le trône épiscopal (le "Lieu Haut"), au fond du sanctuaire, derrière l'autel
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ARCHIMANDRITE GAVRILO

Chers visiteurs de notre site web du monastère de Lepavina! Grace aux nombreux visites de notre site, je suis honoré de vous présenter les differents évenements de l'Eglise orthodoxe serbe et du monastère Lepavina. Nous allons poster sur le site des textes sur des sujets differents des autres sites orthodoxes. J'espère et je crois profondément que notre Seigneur m'aidera dans cette tache.

Avec la bénediction de Dieu, du monastère Lepavina Archimandrite Gavrilo.

Krst
Njegovo Visokopreosvestenstvo Mitropolit G. Porfirije

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